Extrait de ce thriller coup de coeur de Jérome Loubry !!
La petite-fille de Suzanne s’émerveilla devant les clichés. La plupart, en noir et blanc, témoignaient de ce qu’avait dû être la vie sur l’île durant les premières années. Sur l’un d’entre eux, une dizaine de personnes posait fièrement, telle une équipe de football, tournant le dos à un énorme blockhaus. Elle reconnut Victor à sa tenue de cuisinier mais eut un doute sur la présence de Simon. La grande taille correspondait, mais le sourire affiché du jeune homme d’alors tranchait rigoureusement avec le marin qu’elle avait rencontré plus tôt. Sandrine chercha sa grand-mère, mais n’ayant aucune référence à laquelle s’accrocher, elle hésita entre les deux femmes présentes, une assez petite, au visage maquillé, et une autre, plus menue et au regard fuyant l’objectif. De plus, la qualité moyenne des images ne lui facilitait pas la tâche…
Plusieurs photos montraient ces mêmes personnes dans différentes situations : en train de jardiner, attablées dans une pièce aux murs colorés, jouant au basket, fumant sur un rocher avec la mer comme horizon… Même l’île rayonne, se dit-elle en observant les quelques clichés en couleur qu’elle devinait avoir été pris au Kodachrome. Elle eut l’impression qu’au fil des ans, la tragédie du camp de vacances avait terni la nature de l’île. À l’époque, les pavillons des habitants étaient agrémentés de jardinières fleuries, la mer semblait plus bleue également, et le ciel bien loin du gris menaçant qui pesait à présent sur la silhouette de l’île.
Mais ce ne fut pas cette dichotomie chromatique qui la mit le plus mal à l’aise.