Affaire criminelle : La mort d’Émile Zola 2/2

Une enquête bâclée

Dès le 29 septembre, jour de la mort de Zola, une instruction est ouverte par le juge d’instruction du tribunal de première instance, qui nomme aussitôt un groupe d’experts pour rechercher les causes de la mort de l’écrivain.

Le 30 septembre, l’autopsie conclut à « une asphyxie par le gaz oxyde de carbone». L’hypothèse du suicide, comme celle de l’intoxication alimentaire, est totalement écartée.

Les experts toxicologue réalisent, les 8 et 12 octobres, plusieurs expériences dans la chambre de Zola, pour tenter de reconstituer les conditions physiques ou chimiques qui ont causé le décès de celui-ci. Les architectes font du feu dans la chambre avec les boulets utilisés par le concierge. On enferme des cobayes pour la nuit. Au matin ils les retrouvaient vivant, à l’exception de deux oiseaux,. La teneur d’oxyde de carbone dans l’air est insignifiante. Les résultats sont donc loin d’être concluants.

Pour être complet, les experts mentionnent qu’un feu avait été allumé au mois de juin précédent sans aucun problème. Ils en concluent qu’à cette époque le conduit de la cheminée n’était donc pas obstrué.

Malgré tout, le rapport conclura a un défaut de ramonage. Explication : la cheminée se serait bouchée pendant l’été. Le conduit se serait obstrué à la suite « des trépidations de la rue pavée en bois », sous l’effet du passage des attelages ! Or, selon l’enquête du journaliste Jean Bedel, il semble qu’il n’y avait pas de passage d’omnibus à chevaux rue Bruxelles !

Le juge, estimant cependant que l’accumulation de suie dans le conduit est bien à l’origine du drame, validera officiellement la thèse de l’accident le 13 janvier 1903. solution qui arrange le gouvernement, peu soucieux de relancer la polémique entre dreyfusard et antidreyfusard, mais aussi Alexandrine Zola, désireuse de faire taire des controverses qu’elles jugent inutiles et dégradantes pour l’image de son mari.

Tous les témoins de l’époque et tous les historiens sont au moins d’accord sur une chose : l’enquête policière a été bâclée, et toutes les pistes n’ont pas été exploitées. Par exemple, il y avait eu, le jour précédant le drame, des travaux sur les toits des immeubles voisins. Les ouvriers auraient pu boucher par erreur la cheminée de Zola, mais cette piste qui conduisait à l’hypothèse, a minima, d’un homicide involontaire, n’a pas été suivie.

Il faudra attendre 51 ans pour qu’en 1953 un journaliste de libération, Jean Bedel, révèle que la mort de Zola était vraisemblablement un meurtre avec préméditation. L’assassin, écrivait-il, était un ramoneur qui, pour des raisons politiques, avait décidé « d’enfumer ce sale cochon ami des juifs ! »

Le commissaire qui avait mené l’enquête sur la mort de Zola en 1902, se confiera dans les années 1920 a un de ses amis, inspecteur retraité de la SNCF, qui a rapporté ses propos :

« oui, Zola est mort dans des circonstances très suspectes. Je ne suis pas tellement persuadé qu’il s’agissait d’une mort accidentelle. Si on avait cherché davantage, on aurait découvert qu’il ne s’agissait peut-être pas d’un accident, mais, à ce moment, la France sortait à peine de l’affaire Dreyfus. L’autorité ne tenait pas avoir un autre sujet d’agitation. »

 

L’incroyable vérité

Jean Bedel

C’est le journaliste Jean Bedel qui a lancé le pavé dans la mare médiatique en 1953, année où il publie dans les colonnes de libération les révélations retentissantes d’un pharmacien à la retraite, Pierre Hacquin. Selon cet ancien habitant de Sarcelles, retiré dans la campagne normande, un de ses amis, entrepreneur en fumisterie, lui aurait confié en 1928, qu’il était le meurtrier de Zola, et qu’il s’agissait d’un assassinat politique :

« Hacquin, je vais vous dire comment Zola est mort. J’ai confiance en vous, et du reste, il va y avoir prescription. Zola a été asphyxié volontairement. C’est nous qui avons bouché la cheminée de son appartement juste avant son retour de Medan, puis nous l’avons débouché le lendemain matin très tôt. »

Un mois après sa confession, il mourait dans la rue, terrassé par une crise cardiaque.

Lors de son interview, Pierre Hacquin avait demandé à Jean Bedel de ne pas révéler de son vivant, le nom de son ami ramoneur. Jean Bedel le rendra publique en 1978, dans un article du quotidien de Paris.

Jean Bedel a publié en 2002 « Zola assassiné» aux éditions Flammarion.

Que pensez-vous de cet article ? [ratings]

 

Laisser un commentaire