Dennis Rader, né le 9 mars 1945 à Pittsburg (Kansas), est un tueur en série américain communément appelé BTK ou BTK Strangler, (Bind, Torture, Kill (en français : Ligoter, Torturer, Tuer)), surnom qu’il s’était lui-même attribué lors de ses rapports avec la presse et la police pour désigner son modus operandi. Il est l’auteur reconnu de dix meurtres, tous commis dans les environs de Wichita (Kansas) entre 1974 et 1991.
En proie à des fantasmes sadomasochistes violents dès son enfance, qu’il tente d’abord de canaliser en torturant des animaux, Rader est un tueur méticuleux et organisé qui épie ses victimes pendant de longues semaines avant de passer à l’acte, remplissant des carnets de croquis détaillés, de notes et d’intentions macabres. La plupart des meurtres sont commis en plein jour : le tueur ligote soigneusement ses victimes, les torture jusqu’à l’étouffement puis finit par les étrangler. Dans certains cas, il a aussi utilisé une arme à feu ou un couteau. Pour satisfaire ses pulsions sadiques et perverses, il prend des photos des scènes de crime et emporte des objets personnels de ses victimes, avec lesquels il se met parfois en scène ultérieurement. Dennis Rader entretient, dès ses premiers crimes, des relations épistolaires avec la police et la presse, démontrant chez lui un trouble de la personnalité narcissique et un besoin manifeste de célébrité.
Père de famille ordinaire et citoyen intégré à sa communauté, il échappe à toute suspicion pendant plus de trente ans. Finalement confondu et arrêté en 2005, Dennis Rader est condamné à dix peines d’emprisonnement à perpétuité, qu’il purge actuellement dans la prison de haute sécurité d’El Dorado. La couverture médiatique de l’affaire assure au tueur en série une notoriété internationale. Depuis son arrestation, son histoire a été largement adaptée au cinéma, à la télévision, en littérature et a fait l’objet de nombreuses enquêtes de journalistes ou documentaires.
Enfance et jeunes années
Dennis Rader grandit dans la banlieue de Wichita, la plus grande ville du Kansas, où il commettra plus tard tous ses meurtres.
Dennis Lynn Rader est né le 9 mars 1945 à Pittsburg, dans l’État du Kansas, au sein d’une famille modeste. Son père, William Elvin Rader (1922-1996), est un ancien militaire devenu employé d’une centrale électrique, et sa mère, Dorothea Mae Cook (1925-2007), est comptable dans une épicerie. Il est le premier enfant d’une fratrie qui compte trois autres garçons : Paul (1947), Bill (1949) et Jeff (1955). Mariés en avril 1943, les parents de Dennis forment un couple profondément religieux, attaché aux valeurs traditionnelles et à l’Église luthérienne locale, où tous leurs enfants sont baptisés.
Les premières années de la vie de Dennis Rader se déroulent à Park City, petite banlieue résidentielle de Wichita où s’installe la famille juste après sa naissance. Les témoignages, recueillis des années plus tard, décrivent un petit garçon sensible, intelligent et discret, adepte de la pêche et du canoë-kayak sur l’Arkansas, vivant au milieu d’une famille aimante et unie, parfaitement intégrée à la communauté. Cette enfance ordinaire questionne les spécialistes des tueurs en série. Dans la majorité des cas, le futur serial killer est un enfant violenté, abusé ou traumatisé par un cadre familial chaotique, souvent témoin désarmé et impuissant de parents alcooliques ou drogués, autant de phénomènes qui accroissent, chez les individus les plus sensibles, de profonds désirs de solitude et de rejet des normes de la société. Aucun problème au sein de la structure familiale enfantine de Dennis Rader ne semble pouvoir expliquer ses déviances ultérieures.
Toutefois, Rader présente, dès l’enfance, les signes d’un comportement anormal, caractéristique du développement individuel de nombreux criminels : l’existence d’une vie fantasmatique, dont l’émergence est difficile à dater. Le petit garçon s’invente très tôt un ami imaginaire, qu’il baptise « Rex », d’abord partenaire et confident intime puis double maléfique, que le tueur qualifiera plus tard de démon. Aucun de ses frères ne semble, à cette époque, être au courant de l’existence d’un tel alter ego. En revanche, ils surprennent un jour leur aîné en train de dessiner des femmes nues, bâillonnées et attachées. Réalisés à l’âge de huit ou neuf ans, ces dessins reproduisent très probablement les photographies d’un magazine de faits divers sur lequel Dennis avait pu observer des femmes dans différentes positions de bondage. Il semble avéré que la mise en scène de la douleur lui procure un plaisir précoce, qu’il expérimente lors de séjours réguliers dans la ferme de ses grands-parents où il est fasciné par la mise à mort des poulets.
À l’adolescence, ses premières victimes sont d’ailleurs des animaux : l’agonie d’un chat, peut-être tué par accident, lui fait prendre conscience du plaisir qu’il ressent à contrôler la vie ou la mort d’un être. Pour satisfaire ces pulsions dominatrices, Dennis capture discrètement des chats ou des chiens errants, qu’il attache soigneusement dans des granges abandonnées avant de les pendre à l’aide de fil de fer. La souffrance puis la mort des animaux lui procurent une jouissance sexuelle intense, qu’il continuera de rechercher des années plus tard lors de ses opérations meurtrières. C’est également à l’adolescence qu’il développe une autre fascination pour le fétichisme : il dérobe les sous-vêtements de sa mère, les porte en secret et se met parfois en scène avec eux. En 2005, après son arrestation, la police a découvert des photographies que Rader conservait depuis cette époque : on le voit habillé de vêtements féminins, ligoté et pendu. Le meurtrier avouera lors de ses interrogatoires que la privation d’oxygène et le bondage, associés à la masturbation, lui permettaient de décupler son excitation.
L’année de ses quinze ans, un événement lui confère brièvement une petite notoriété auprès des habitants de Park City. Alors qu’il descend en canoë la rivière Arkansas, dont le niveau est très haut après des pluies torrentielles, il sauve d’une mort certaine un camarade plus jeune que lui grâce à son sang-froid et son aptitude à diriger la petite embarcation déstabilisée par un courant très fort. Aux yeux des témoins de l’incident, il est considéré comme un héros. Pourtant, le jeune Rader s’isole de plus en plus : il ne participe plus beaucoup aux activités sportives avec les autres adolescents de son âge et ne s’inscrit à aucun club associatif, préférant la solitude de sa chambre. Ses résultats scolaires déclinent. Il ne parle jamais de ses fantasmes à personne et continue probablement de torturer occasionnellement des animaux pour assouvir ses pulsions. À dix-huit ans, il affirme avoir espionné une femme par la fenêtre, avant de lui voler une culotte.
Double personnalité invisible
Dennis Rader sort diplômé du lycée Heights de Wichita en 1963. Décidé à maintenir la tradition militaire de la famille, même si elle ne l’attire pas réellement, il s’engage dans l’US Air Force à Kansas City en juin 1966, au terme d’une année passée à l’université Wesleyan de Salina. Après un mois d’entraînement sur la base Lackland Air Force de San Antonio, il rejoint la base Sheppard Air Force de Wichita Falls, dans le nord du Texas, comme mécanicien et électrotechnicien. Toute l’année 1967, il est affecté sur la base américaine de Mobile dans l’Alabama. De janvier à juillet 1968, il sert sur la base Kadena d’Okinawa, au Japon, et termine sa carrière à Tachikawa, près de Tokyo. Plusieurs sources confirment qu’il fait également de longues escales en Grèce, en Turquie et en Corée du Sud pendant ses quatre années de service.
Après quatre années passées dans l’US Air Force, Dennis Rader reprend ses études et suit même des cours de criminologie à l’Université de Wichita.
Les informations sur cette époque sont fragmentaires ou inexistantes. On sait qu’il continue à réaliser, dans le plus grand secret, des dessins de femmes nues et ligotées pour assouvir ses fantasmes. Il détruit ces dessins à chaque changement de base, et recommence quand ses pulsions reviennent. Sur son temps libre, il a probablement des relations avec des prostituées dans les bordels que fréquentent les soldats américains. Peut-être explore-t-il aussi davantage les techniques japonaises ancestrales de bondage (hojōjutsu). En revanche, rien ne permet d’affirmer qu’il commet un premier crime pendant ces années passées à l’étranger.
Rader quitte l’armée en août 1970 et revient vivre quelque temps avec ses parents, à Park City, avant de s’installer dans une petite maison toute proche. Croyant fervent et pratiquant, il fréquente régulièrement l’église luthérienne du Christ de Wichita (Christ Lutheran Church), où il rencontre Paula E. Dietz (1948), une secrétaire médicale de vingt-deux ans et membre de la chorale, qu’il épouse le 22 mai 1971. Grâce aux relations de sa mère, il travaille dans un supermarché de Wichita jusqu’en juillet 1973, avant de reprendre ses études supérieures et d’obtenir un diplôme d’électrotechnicien. Sans emploi, il s’inscrit comme étudiant à temps-partiel à l’université d’État de Wichita, où il suit des cours de criminologie. Il obtient son diplôme en 1980, alors qu’il a déjà tué plusieurs fois.
Dès la fin de l’année 1973, Dennis Rader se met à suivre discrètement des femmes dans la rue. Comme beaucoup d’autres tueurs en série psychopathes, sa vie fantasmatique et secrète prend progressivement le pas sur sa vie réelle, sans que jamais quiconque ne puisse le remarquer. Au regard de son épouse et du reste de sa famille, il apparaît comme un jeune homme ordinaire, désireux de fonder une famille et d’obtenir un emploi stable. A-t-il réellement payé des prostituées pour assouvir ses fantasmes de bondage et de servitude à cette époque, comme il l’écrira plus tard ? Les policiers n’ont aucune preuve et mettent en doute cette version des faits. En revanche, il semble avéré qu’il tente une première fois d’enlever une femme sur le parking d’un centre commercial de Wichita, sans succès. Quelque temps plus tard, il repère une jeune femme rousse dans la rue, l’observe pendant plusieurs jours, note ses horaires de travail, son adresse, ses habitudes. Il creuse même sa future tombe dans une prairie voisine, pour faire disparaître son corps aussitôt après le meurtre. Il parvient à s’introduire dans son appartement, s’empare d’objets personnels (dont un permis de conduire), patiente longuement mais finit par quitter les lieux avant le retour de sa « proie », pour ne pas éveiller les soupçons de sa femme qui l’attend.
Les premiers meurtres
La famille Otero (janvier 1974)
Originaire de Porto Rico, la famille Otero s’installe au 803 North Edgemoor Street, à Wichita, neuf semaines avant le drame. Par hasard, Dennis Rader repère d’abord la mère, Julie Otero, et sa plus jeune fille, Joséphine, alors qu’il conduit son épouse au travail, en décembre 1973. Pendant presque un mois, il épie discrètement la vie de la famille : les horaires de travail, les absences du père ou de la mère, les itinéraires des enfants vers l’école, les entrées ou sorties de la maison. Tous les détails sont consignés dans un petit carnet qu’il cache soigneusement dans un tiroir de son bureau. Il choisit également un nom de code à son opération meurtrière : le « Projet Little Mex » (PJ Little-Mex), pour désigner la petite fille, d’origine hispanique, sur laquelle il fantasme désormais.
En janvier 1974, Dennis Rader parvient à soumettre toute la famille Otero grâce à une arme comme celle-ci (un Colt Woodsman .22 Long Rifle).
Le 15 janvier 1974, Dennis Rader quitte son domicile vers 8 h du matin et se dirige vers le parking d’un centre commercial, où il laisse sa voiture personnelle avant d’en voler une autre. Une grosse parka dissimule les différents éléments de son « kit d’intervention » (hit kit) : deux pistolets (dont un Colt Woodsman), deux couteaux, des cordelettes (parfois pré-nouées), du ruban adhésif et des sacs en plastique. À 8 h 30, il pénètre dans la propriété des Otero, sectionne la ligne téléphonique et marche doucement vers la porte qui donne sur le jardin. Convaincu que la mère et la fille sont seules à cette heure, il patiente d’abord dans le froid puis aperçoit le petit Joseph Jr., neuf ans, qui sort promener le chien : Rader le menace de son revolver pour le faire rentrer et le suit jusqu’à la cuisine, où il découvre que le père, Joseph, un ancien militaire, est toujours présent, attablé devant son petit-déjeuner avec son épouse et sa plus jeune fille. Il ordonne à tous les membres de la famille de se coucher sur le sol, en se faisant d’abord passer pour un cambrioleur recherché par la police. Il ligote le père en premier, celui qu’il juge le plus dangereux, puis la mère et ses enfants, avant de tous les conduire dans la chambre à coucher des parents. Avec un sac plastique, Rader tente d’étouffer Joseph Otero, qui se débat et parvient même à le déchirer avec ses dents. Un autre sac plastique et un t-shirt ont finalement raison de sa résistance : il meurt asphyxié quelques minutes plus tard. Les enfants se mettent à hurler, ce qui oblige Rader à abréger sa mise à mort : il étrangle Julie Otero avec une cordelette puis étouffe le petit garçon. Joséphine est sa cible principale : il l’emmène dans la cave, ligote ses chevilles et la pend à un tuyau d’égout. Alors qu’elle agonise, il lui retire son pantalon et sa culotte, puis se masturbe devant elle. Avant de quitter les lieux par la porte principale, Rader fouille toutes les pièces, à la recherche d’objets qu’il pourrait emporter : il s’empare de la montre de Joseph Otero et d’un poste de radio. On sait qu’il retourne dans la maison peu après pour récupérer un couteau oublié, probablement dans la chambre à coucher.
L’horreur des faits et la médiatisation de l’enquête provoquent une onde de choc considérable dans Wichita et le reste du pays. La police n’a aucune piste sérieuse et Dennis Rader n’est pas inquiété ni suspecté. En février 1974, il commence la rédaction d’un récit intitulé « La mort, un matin glacial de janvier » (Death on a Cold January Morning), écrit à la machine à écrire, dans lequel il raconte en détail (et avec des dessins) l’assassinat de la famille Otero.
Kathryn Bright (avril 1974)
Dennis Rader repère une nouvelle « proie » en mars 1974 : Kathryn D. Bright, une jeune femme blonde de vingt et un ans, ouvrière, célibataire et locataire d’une petite maison au 3217 East 13th Street North à Wichita. Comme pour la famille Otero, il assigne un nom de code secret à sa future opération, « Projet lumières éteintes » (Project light out), et espionne discrètement les allées et venues de sa cible, pendant des heures, devant son domicile et dans la rue. Pour ne pas lancer les policiers sur la piste d’un tueur en série, il décide également de changer de mode opératoire, en utilisant une nouvelle arme (un .357 Magnum) et tout ce qu’il trouvera dans la maison pour ligoter et étrangler sa victime.
Le 4 avril 1974, Rader se présente au domicile de Kathryn Bright habillé comme un étudiant de l’université voisine, pantalon vert, chaussures en daim, parka et bonnet, espérant ainsi pénétrer plus facilement chez elle, sans attirer les soupçons du voisinage. La jeune femme absente, il force la porte arrière de la maison et se cache dans la penderie de sa chambre, décidé à attendre son retour en respirant l’odeur de ses vêtements. Plusieurs heures s’écoulent avant que Kathryn Bright ne rentre à son domicile, accompagnée de son frère Kevin, au moment même où Rader s’apprête à quitter les lieux. Arme au poing, le tueur se présente à nouveau comme un cambrioleur recherché par la police, puis ordonne à Kevin de ligoter sa sœur avec un bandana. Exaspéré par cette présence masculine inattendue, Rader s’occupe d’abord du jeune garçon dans une chambre séparée, le ligote difficilement puis tente de l’étrangler avec un bas. Devant sa résistance acharnée, il lui tire deux balles à bout portant, dont une au niveau de la mâchoire. Dans l’autre chambre, il commence à étrangler lentement Kathryn avec un autre bas mais Kevin, le visage en sang, reprend connaissance et se jette sur lui. Rader lui tire à nouveau une balle dans la tête et comprend que son opération est vouée à l’échec. Il utilise alors un couteau pour achever Kathryn et la frappe onze fois, à l’abdomen et dans le dos, avant de s’enfuir. Malgré ses nombreuses blessures, Kevin parvient à sortir de la maison et prévenir les secours.(Le mec est immortel) Kathryn est transportée à l’hôpital de Wichita encore consciente, mais elle succombe quelques heures plus tard.
Craignant d’être arrêté, Rader cache l’ensemble de ses armes dans la cave de ses parents et brûle ses mocassins ensanglantés. Au même moment, Kevin Bright trouve la force de décrire l’assassin de sa sœur aux policiers qui débutent aussitôt une longue enquête, au cours de laquelle ils interrogent près de huit-cents hommes blancs de Wichita, sans succès. Au cours de cette période, jamais Dennis Rader n’est suspecté ou convoqué par les enquêteurs.
En octobre 1974, Dennis Rader devient BTK à la suite de l’arrestation, dans le Riverside Park de Wichita, d’un déséquilibré qui affirme être le tueur de la famille Otero.
A suivre…
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