Fatima Abdesselam-Tani, une élève infirmière de 25 ans, a disparu en juillet 1967 à Bully-les-Mines, dans le Pas-de-Calais. La découverte récente d’ossements relance aujourd’hui l’enquête.
Une affaire criminelle peut-elle être résolue 57 ans après les faits? C’est la question à laquelle vont tenter de répondre les enquêteurs de la police judiciaire de Lille en charge de ce dossier: un rapprochement a récemment été réalisé entre la découverte récente d’ossements à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais) et la disparition en 1967 d’une élève infirmière de 25 ans, Fatima Abdesselam-Tani.
Le 20 juin dernier, un squelette a été découvert sur le chantier de la future piscine municipale de Bully-les-Mines. Une enquête a été ouverte et l’hypothèse criminelle est envisagée en raison de divers éléments: selon les premières analyses, il s’agit d’os humains, enterrés assez profondément pour que cela ne soit pas un accident.
Le squelette retrouvé pourrait être celui d’une femme âgée entre 18 et 25 ans et dont le corps se trouve à cet endroit depuis plus de 50 ans. Les ossements ont désormais été envoyés pour analyse dans un laboratoire de police scientifique à Marseille, un laboratoire reconnu pour ses compétences dans la recherche d’ADN.
Dans cette enquête, un premier rapprochement a été fait avec un dossier ancien, celui de la disparition de Fatima Abdesselam-Tani le 4 juillet 1967. Ce jour-là, cette jeune élève infirmière de 25 ans a disparu vers 19h30. Sa voiture et des sous-vêtements lui appartenant ont été découverts à proximité de la fosse 5, une mine exploitée à l’époque.
Un mois après sa disparition, un de ses cousins avait été mis en examen. Il travaillait dans la fosse 5. Mais surtout, son alibi a vite volé en éclats quand la jeune femme qui disait être avec lui au moment de la disparition de Fatima est revenue sur ses déclarations. Elle a raconté que ce soir-là, il est rentré tard dans la nuit. Les vêtements qu’ils portaient étaient d’ailleurs déchirés. Le cousin a toujours nié toute implication dans la disparition de Fatima. Jamais jugé, il est mort depuis.
Mais la découverte de ces ossements peut faire renaître l’espoir d’une vérité pour la famille de la jeune femme.
« La découverte du corps dans une disparition, c’est forcément un événement très important de l’enquête », note Franck Dannerolle, le chef de l’office central en charge des cold cases au sein de la police judiciaire.
« Lors d’une disparition criminelle, les enquêteurs n’ont pas de scène de crime, ils n’ont pas d’éléments qui peuvent expliquer les faits et ils sont dans un grand flou », poursuit-il.
« Les témoignages permettent de corroborer l’emploi du temps de la victime, on peut avoir plein d’éléments qui permettent de savoir ce qu’il s’est passé un peu avant la disparition », précise Franck Dannerolle. « En revanche sur le moment de la disparition et sur l’après, les enquêteurs n’ont plus d’éléments. »
L’un des premiers actes d’enquête va donc être d’identifier les ossements. Pour cela, les enquêteurs qui travaillent sur des dossiers anciens peuvent compter sur les progrès de la science.
« On a une chance d’avoir des éléments d’ADN mais ce n’est pas toujours le cas », poursuit Franck Dannerolle.
Les experts vont d’abord rechercher un ADN nucléaire.
« Si on arrive à avoir de l’ADN nucléaire on peut le comparer avec l’ADN de la victime, si on l’a, ou celui de ses proches. Et on va pouvoir à 99,99% identifier le squelette », détaille le patron de l’OCRVP.
Il faut un mois au plus pour retrouver de l’ADN dans des ossements.
« Le lieu de découverte ou la datation de la mort, ce sont aussi des éléments qui peuvent être mis en relation avec d’autres éléments de l’enquête, apporter des pièces au puzzle. »
Une fois la victime identifiée, les enquêteurs qui travaillent sur ces affaires anciennes, non élucidées, vont s’atteler à donner une vérité policière à la lecture de ces nouveaux éléments.
« Il est toujours important dans un cold case de reprendre les éléments de l’enquête et de les confronter aux nouveaux éléments pour pouvoir faire progresser les investigations », note le patron de l’office en charge de ces affaires. « Si ça n’a pas pu être élucidé à l’époque c’est parce qu’on arrivait en fin de piste. Ces nouveaux éléments peuvent permettre de relancer un ou plusieurs éléments de l’enquête antérieure. »
« Très souvent ces dossiers-là sont hors normes par leur gravité, par le fait que les techniques de travail habituelles n’ont pas abouti et ils sortent parce qu’on va avoir quelque chose de l’ordre de l’exceptionnel, un progrès de la science, une technique très innovante d’enquête… C’est toujours un exploit ces dossiers-là. »