Des livres potentiellement empoisonnés à l’arsenic

Au XIXe siècle, un pigment toxique a été utilisé dans le processus de fabrication de plusieurs livres, notamment ceux dont la couverture ou la tranche des pages est verte. Les ouvrages soupçonnés d’être empoisonnés ont été retirés et certaines grandes bibliothèques allemandes ont fermé leurs portes, le temps d’isoler les livres concernés.

L’Université de Düsseldorf a pris la décision début mars de fermer sa bibliothèque aux étudiants jusqu’au 22 mars 2024. La raison de cette fermeture inattendue à de quoi surprendre : certains livres du XIXe siècle pourraient être empoisonnés, contaminés par de l‘arsenic toxique.

Près de 15 000 livres doivent être analysés, a expliqué le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Les bibliothèques universitaires de Siegen ou de Bielefeld ont également placé en quarantaine certains ouvrages, craignant que ceux-ci ne contiennent de l’arsenic dangereux pour les lecteurs.

La couleur verte, affichée sur la couverture ou sur la tranche des pages, est le signe visible qui a permis aux autorités d’identifier les livres concernés. En effet, le « vert de Paris« , ou « vert de Schweinfurt« , était un pigment utilisé pour obtenir cette couleur verte du XIXe. Commercialisé en 1814 par la Wilhelm Dye and White Lead Company de Schweinfurt, en Allemagne, il contenait de l’acéto-arsénite de cuivre, un complexe très toxique également administré à l’époque dans les égouts parisiens pour tuer les rats.

Si aujourd’hui ce pigment intensément brillant n’est plus utilisé, l’Association allemande des bibliothèques alerte sur la toxicité de l’arsenic, un composant reconnu comme cancérigène.

« Chaque institution a pour mission d’évaluer dans quelle mesure les livres avec des pages ou des couvertures colorées sont problématiques pour la santé des utilisateurs et comment les traiter, détaille le quotidien allemand. La question de savoir s’il est judicieux de déplacer et de se séparer des volumes potentiellement concernés.« 

 

Mais tous les anciens livres de couleur verte ne contiennent pas nécessairement de l’arsenic, d’où la nécessité de procéder à une analyse poussée des ouvrages. Plusieurs projets de recherches, notamment à Cologne, Bonn et Kiel, étudient actuellement les éventuels dangers d’un contact avec le pigment. Des procédures de tests rapides sont également envisagées pour détecter le composant toxique.

En attendant, les livres « empoisonnés » de certaines grandes bibliothèques allemandes vont être retirés des étagères par mesure de précaution. Les ouvrages seront ensuite stockés en attendant de subir des tests. Un processus de manipulation sécurisé devrait être mis en place pour les livres concernés par la présence d’arsenic.

La découverte de l’utilisation de l’arsenic pour pigmenter la couverture de certains ouvrages n’est pas nouvelle. En avril 2022, une enquête approfondie menée par National Geographic révélait le projet de Melissa Tedone, responsable du laboratoire de conservation du matériel de bibliothèque du Winterthur Museum, Garden & Library, dans le Delaware (État de la côte est des États-Unis) : localiser et cataloguer ces volumes toxiques sur le site Poison Book Project.

Longtemps considérés sans risque pour la santé – sauf peut-être pour les rongeurs qui grignotaient leurs pages – ces livres ont été placés dans les bibliothèques en accès libre. Pourtant, une manipulation répétée de ces ouvrages, par les bibliothécaires par exemple, peut créer une inhalation ou ingestion de particules causant des étourdissements, des crampes d’estomac ou des diarrhées.

Les bibliothèques allemandes concernées par la mise en quarantaine d’une partie de leurs ouvrages expliquent aussi que l’arsenic pourrait pénétrer dans le corps, en humidifiant par exemple son doigt avec sa langue pour tourner une page, en se frottant les yeux pendant la lecture ou simplement en inhalant les pages du livre.

 

 

 

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