date : 24/06/2018
lieux : saint maur en poche
organisation : pocket
auteur : Karine Giebel
J’ai pu faire partie des 10 lectrices qui ont participé à une « rencontre VIP » avec Karine Giebel.
Animateur Pocket : Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Karine Giebel : Alors, c’est quelque chose que j’ai toujours fait, que j’ai toujours eu envie de faire depuis que je sais écrire. Je n’écrivais pas des thrillers bien évidemment ! 😂
AP : Vous écriviez quoi au début ?
KG : Des petites nouvelles, des petites histoires où je racontais ma vie. Mais le truc d’écrire était déjà là.
AP : À partir de quel âge ?
KG : On m’a offert mon premier carnet pour que j’écrive à 6 ans. Dès que j’ai su lire et écrire.
AP : Qu’est-ce que vous lisiez ?
KG : À 6 ans c’était des petits livres pour enfants, je ne me rappelle pas le nom du premier.
AP : Et le livre qui vous a vraiment fasciné ?
KG : Le premier livre pour adulte qui m’ai vraiment marqué, c’était « A l’est d’eden » de John Steinbeck. Ça a été un gros choc, je crois que j’avais 13 ans.
AP : L’actualité c’est « toutes blessent, la dernière tue » on va garder du suspense car une partie ne l’a pas encore lu. Vous parlez d’esclavage dans ce livre, comment ça vous est venue ?
KG : Souvent, quand j’aborde des thèmes précis, je travaille longtemps sur ces thèmes. Un jour, j’ai vu quelque chose sur ce thème-là, ça m’a vraiment touchée et je me suis dit « ça c’est un thème qui m’intéresse« . À partir de la je vais lire beaucoup sur le thème, je vais beaucoup étudier et à un moment donné je vais me dire « je pense que je peux faire un roman ». Ensuite, je vais continuer mon enquête, je vais réunir plein d’éléments, c’est un long travail d’enquête !
AP : Quels sont vos sources ?
KG : D’abord c’est moi qui me débrouille pour lire des témoignages qui sont sortis sur le sujet et après j’ai contacté l’organisation internationale contre l’esclavage moderne. La présidente m’a expliqué beaucoup de choses. C’est une association qui vient au secours des victimes donc elle avait plein de cas à me décrire, a m’expliquer. Elle m’a envoyé de nouveaux témoignages et là j’avais vraiment tout ce qu’il fallait pour écrire.
AP : Donc du coup, vous proposez une histoire, ce livre je l’ai pris comme un coup de poing. On apprend beaucoup de chose
KG : L’esclavage moderne est connu mais la servitude domestique est beaucoup moins connue. C’est un peu pour ça que je suis allée vers ce point précis, parce qu’on n’en parle jamais.
Moi : j’en avais une idée vraiment précise, plutôt famille blanche, quartier riche….
KG : …le monde diplomatique..
Moi : Oui, et finalement on apprend que non, pas seulement.
KG : Il y a une partie du roman qui se passe dans une famille assez aisée etc. et après on voit dans l’autre partie que ça se passe dans un milieu socialement défavorisé et en fait ça je l’ai appris grâce à l’OICEM qui m’a raconté que finalement la misère exploitait la misère. Ça je l’ignorais ! peu de gens le savent !
Dans mon roman, on exploite Tama, l’héroïne, pour des sommes dérisoires.
AP : Alors justement, votre héroïne, vous lui en fait voir de toutes les couleurs.
😂😂
KG : En fait dans tout ce que j’ai appris pendant l’enquête il y a des choses que je n’ai pas voulu mettre.
AP : il y a plus dure ? 😲
KG : En tout cas pour moi oui. Après c’est une question de sensibilité personnelle. Mais je n’ai pas tout mis dedans. Après il y a des choix à faire, est ce qu’on édulcore ? est ce qu’on le dit ? et encore il y a des choses qui ne sont pas décrites dans le détail mais en tout cas elles sont dites.
Lectrice : Dans les recherches que vous avez faite vous avez vu des choses plus dures que ce que vous avez mis ? 😲😲
KG : Plus dure, je ne sais pas, comme je vous le disais, c’est une question de sensibilité. Pour moi c’est plus dur mais peut-être que pour vous ça ne l’aurait pas été. Mais en tout cas tout ce qui arrive à Tama est basé sur des témoignages réels.
Lectrice : En fait vous vous basé sur de la realité dans vos romans ?
KG : c’était le cas pour « meurtres pour rédemption« , après, pour le coup, les autres c’est uniquement de la fiction.
« Purgatoire des innocents » c’est compliqué parce que c’est de la fiction mais je me suis aussi renseignée sur certains prédateurs et sur certains braqueurs mais c’est quand même de la fiction.
AP : Ce sont les deux que j’ai adorés.
KG : oui j’ai l’impression que les lecteurs aiment beaucoup cette veine-là, sauf que je ne peux pas enchainer des livres comme ça. D’abord pour le temps qu’il faut. C’est-à-dire qu’il y a déjà le temps de l’enquête, ensuite le temps de l’écriture donc ce sont des livres qui prennent plusieurs années.
Si je n’écrivais que des livres comme ça, j’en sortirais un tous les 5 ans.
(Réaction horrifiée de tous)
KG : Mon éditeur fait pareil que vous. 😂
Il n’y a pas que ça, il y a le côté aussi que j’ai besoin de décrire des choses qui soient un peu moins, émotionnellement en tout cas, moins oppressant. On n’est pas dans des situations comme celle notamment de Tama. J’ai besoin d’écrire autre chose entre deux romans comme celui-là.
AP : Justement, vous, quand vous écrivez des histoires comme ça, dans vos romans il n’y a pas de temps mort, c’est toujours très fort. Comment vous faites en tant qu’auteure pour créer une distance ?
KG : Mais je n’ai pas de distance justement. C’est la troisième raison qui rejoint la deuxième c’est que physiquement je suis incapable d’enchainer des livres comme ça. Parce qu’il faut le temps de s’en remettre, il faut le temps de recharger les batteries. Ce n’est pas possible d’écrire tout le temps ça parce que ce que vous vivez en le lisant moi je le vis en l’écrivant et ça dure bien plus longtemps entre le temps d’enquête et celui de l’écriture, c’est quand même sur plusieurs mois ou plusieurs années.
Lectrice : Un peu comme nous les lecteurs, après ce livre-là j’ai eu du mal à reprendre un autre livre. Nous aussi on doit recharger nos batteries
KG : C’est pour ça qu’il faut que j’écrive autre chose entre.
Après « purgatoire des innocents« , tout le monde pensait que j’allais faire encore un « purgatoire des innocents ». non, j’ai fait « Satan était un ange » qui était encore très différent, qui est pourtant encore un sujet très sombre. Alors, pour le coup, celui-ci, il y a encore des choses réelles dedans mais je l’ai traité de façon beaucoup moins oppressante, beaucoup plus lumineuse. j’en avais besoin.
On m’a dit « oui mais alors comment ça se fait ?« . Certains lecteurs s’ils ont aimé « purgatoire… » par exemple, il faut absolument que le prochain ressemble à « purgatoire… ». alors que pour moi, au contraire, je trouve que c’est super pour un lecteur ou pour un auteur d’aller d’un univers a un autre.
Moi : En même temps, s’il ressemble trop, certains vont vous reprocher qu’il ressemble trop.
KG : 😂 Pour l’instant ça ne m’est jamais arrivé mais ça pourrait.
Moi j’aime beaucoup changer, j’ai besoin de changer alors s’il y a des gens qui me lâchent en cours tans pis et de toute façon il y en a d’autres qui viendront mais je ne me dis pas « juste une ombre » à très bien marcher je ne vais faire que du « juste une ombre ». quand l’écriture est une passion, tu ne t’oblige pas à faire quelques choses que tu n’as pas envie de faire.
AP : Quand vous dites ça, on entend aussi que vous remettez votre titre en jeu à chaque fois.
KG : À chaque fois !
AP : C’est une nouvelle histoire, un nouveau défi ?
KG : Une nouvelle ambiance. et le prochain sera certainement très différent de « toutes blessent… »
AP : Il est dans votre tête ?
KG : Pas du tout ! ou alors s’il y est pour l’instant ça n’est pas encore arrivé jusqu’au conscient.
AP : Vos personnages, ils sont encore dans votre tête ? Par moments ils vous parlent ?
KG : 😂Non, ils ne me parlent pas mais par contre ils sont là c’est sure ! par exemple, Jeanne de « terminus elixus » qui est mon premier roman, elle est là, elle reste là. donc oui, ils laissent une trace. mais non, ils ne me parlent pas. Le jour où ils me parlent je pense que j’irais voir un psy 😂.
À la rigueur c’est peut-être moi qui vais leur parler ! 😂
AP : Vous avez des choses à leur dire ?
KG : Parfois je leur dis « désolé de t’avoir tué »… Non, je rigole ! 😂
Non, mais mes personnages ils restent en moi, ça c’est sure. j’ai passé des mois avec eux, j’ai essayé de me mettre dans leurs peaux, j’ai essayé d’être eux en fait, donc forcement ça laisse une trace.
AP : Vous dites que vous essayez d’être eux, on le ressent dans la lecture, on sent les émotions à vif.
KG : C’est ça qui est intéressant dans l’écriture, c’est un peu comme quelqu’un qui est comédien, on va lui dire « tu vas jouer tel rôle » « il faut te glisser dans la peau de tel personnage« . Là j’ai été sur le tournage de « jusqu’à ce que la mort nous unisse » au mois de mai et au mois de juin et l’acteur qui joue Vincent, c’est un super comédien. d’ailleurs à la fin je ne l’appelais plus par son vrai prénom, je l’appelais Vincent.
AP : Donc il y a un projet cinéma ?
KG : Non, c’est un projet télé celui-ci. le tournage est terminé, il sera diffusé a l’automne mais on ne sait pas encore quand.
Moi : Vous avez participé ?
KG : Non. Il était prévu que je participe mais finalement je n’ai pas participé. sur la fin, avant que le film soit tourné j’ai reçu le scénario, j’ai pu donner mon avis, rectifier quelques petits trucs mais pas de gros changements. j’ai un petit peu mis mon grain de sel mais c’est tout ! après je suis allée une semaine sur les tournages, pour voir un peu comment ça se passait. J’ai fait juste la spectatrice privilégiée.
AP : Et vos émotions ? C’est quand même étonnant de créer une histoire et de la voir ?
KG : C’est bizarre parce qu’en plus c’est découpé un tournage, ce n’est pas tourné dans l’ordre de l’histoire. les scènes sont regroupées par décor, par comédien donc c’est un peu décousu. mais, encore une fois, les comédiens étaient tellement bons qu’il y a des moments j’ai ressenti l’émotion comme quand j’écrivais. après il faut voir au montage, il y a plein de choses qui peuvent rentrer en ligne de compte. Tout ça pour dire que parfois en étant écrivain c’est un petit peu comme un comédien.
Lectrice : c’est une reconnaissance qu’un roman deviennent un film ?
KG : oui. pour l’instant je n’ai pas vu le film alors j’ai encore une petite angoisse, mais oui c’est une reconnaissance parce que c’est une super-seconde vie pour le livre… ou pas, ça dépend du film. parce que l’audiovisuel ça peut complètement desservir le livre ou au contraire ça peut le servir. Mais c’est vrai que c’est une belle aventure en tout cas.
AP : Et le comédien c’est qui ?
KG : Le fameux ? C’est Bruno Debrandt... un comédien de télé qui est a la base un comédien de théâtre et qui est vraiment super. Je ne le connaissais pas et vraiment c’est un très bon comédien.
Moi : Et vous réussissez à garder vos fins ? parce que dans le cinéma ils aiment bien les happy ends et vous non.😁
KG : Vous voulez vraiment connaitre la fin du film ou pas ? 😂 non, on en dira rien mais je vous répondrais juste que l’esprit du livre est respecté !
AP : Moi je suis touché de voir qu’il y a des gens qui se déplacent de loin comme ça pour voir leurs auteurs favoris. c’est touchant ?
KG : Mais bien sur. Là c’est un salon donc on vient voir plusieurs auteurs mais parfois quand je suis en signature toute seule quelque part et que quelqu’un me dit « j’ai fait 500 km pour venir vous voir » oui c’est vraiment très touchant.
AP : Justement, on est au salon du livre, il y a plein d’autres auteurs, quels seraient vos choix de lectures ? Que conseillerez-vous à vos lecteurs ?
KG : Je leur dirais d’aller voir RJ Ellory tout de suite, je l’ai aperçu je n’ai pas encore eu le temps d’aller lui parler mais en tout cas foncez, allez-y tout de suite.
Bien évidemment Barbara Abel, pas seulement parce que c’est une amie mais parcequ’elle fait de bons thrillers qui sont différents des miens, ils sont plus basés sur notre réalité quotidienne. Notre éditrice, parce que nous avons la même, elle dit qu’elle fait du thriller domestique, des gens comme vous, comme moi et d’un seul coup ils leur arrivent des trucs.
Il y a aussi François Xavier Dillard, son petit dernier il est super. Christian Blanchard aussi, avec « Iboga » et même avec « Curriculum vitae », il a vraiment un truc très proche de ce que je fais.
AP : C’est vraiment la team belfond !!
KG : Ce n’est pas un hasard en fait. Ce n’est pas de faire la promo de Belfond, RJ n’est pas chez Belfond, mais on a une éditrice qui aime regrouper les auteurs, faire une équipe où les gens s’entendent bien. Pour elle, c’est très important de travailler avec des auteurs qui s’entendent. on est toujours soudé, toujours ensemble.
Par exemple, il n’y a pas longtemps sur un salon il était impossible d’avoir une table tous ensemble. On nous a dit, « là vous avez deux tables » et on a répondu « non, on ne se sépare pas ».😂
AP : Du coup, entre vous, vous vous faites lire des manuscrits ?
KG : Ca dépend qui, pas tous, mais oui j’en lis certain.
Lectrice : On a l’impression que votre succès est arrivé d’un seul coup.
KG : Au niveau librairie, c’est monté petit à petit mais c’est vrai qu’au niveau du monde qui vient me voir dans un salon par exemple, c’est monté d’un seul coup.
Il y a eu un bon soutien des libraires. Ce n’est pas tellement les médias qui m’ont permis d’avancer, ils commencent seulement à s’intéresser à moi.
AP : Beaucoup internet mais pas les médias traditionnels ?
KG : les médias traditionnels non. par exemple je n’ai jamais eu de portrait dans la presse nationale. les télés je n’en parle même pas . c’est vraiment le bouche a oreille et les libraires qui on fait qu’aujourd’hui ça fonctionne bien. À partir du moment où quelqu’un aime un de mes romans ça va engendrer 10 ou 12 lecteurs en plus. j’entends souvent « j’ai découvert grace à une amie... »
Moi : Je vous ai connus, avec une nouvelle dans un « 13 à table ».
KG : Oui c’est vrai, ça aussi ça m’apporte beaucoup de lecteurs.
C’est important, d’abord pour la cause qu’on défend qui sont les restos du coeur, donc chaque année ça permet d’apporter beaucoup de repas. Mais c’est important aussi que chaque auteur face attention quand il écrit cette nouvelle, même si on est bénévole. je trouve qu’il faut y apporter un soin presque plus que si on était payé parce que c’est une vitrine très importante.
C’est vrai que j’ai beaucoup de lecteurs qui arrivent via ce biais-là aussi.
AP : Ça fait 5 ans cette année, que « 13 à table » existent, le prochain sera en novembre. Vous y participez ?
KG : Oui, je suis entrain de la terminer !
AP : Vous êtes aussi dans le recueil de nouvelles de la griffe noire, « A peine entré dans la librairie… ».
KG : oui. c’est un spinoff de « toutes blessent… » en fait. Dans le roman il y a un libraire et pour cette nouvelle je me suis mise dans la tete du libraire. on revit le passage du roman avec ce personnage mais de son point de vue à lui.
Moi : Pour une fois vous reprenez un de vos personnages. Il n’y en a pas beaucoup que vous pouvez reprendre en fait ! 😂
KG : Oui mais là c’était l’occasion. je venais de terminer le livre quand on m’a parlé de la nouvelle et j’avais ce libraire en tete. J’ai eu envie de le reprendre, de faire autre chose avec lui !
Lectrice : Votre lectorat est très féminin…
KG : Le lectorat est de toute façon plus féminin que masculin de manière générale. en gros c’est 70% de lectrice pour 30% de lecteur. En plus, en rencontre, c’est plus les femmes qui viennent. même si j’ai des hommes qui me lisent, ils ne vont pas forcément venir me voir. j’ai quand même un lectorat assez mixte.
Lectrice : Et question génération ?
KG : Là, les générations c’est incroyable ! le plus jeune que j’ai croisé il avait 9 ans, j’ai trouvé ça beaucoup trop jeune😂 et j’ai déjà vu des lecteurs de plus de 90 ans.
Lectrice : Vous avez d’autres romans qui doivent être adaptés ?
KG : En cours d’adaptation il y a « meurtres pour rédemption » mais pour l’instant c’est un peu en sommeil. prochainement il y aura une des nouvelles que j’avais faite pour les restos qui va être adaptée. comme quoi quand je dis qu’il faut s’appliquer.
il y a d’autres projets mais qui ne sont pas encore vraiment signés.
Animateur, aux lectrices : Il y en a que vous voudriez voir adapté ?
À l’unanimité : tous ! 😂
Moi : Le dernier par exemple ?
KG : Ça, ça va être compliqué !
Ça va être compliqué par rapport au cinéma français, c’est même impossible donc là il faudrait partir à l’étranger.
FIN
Merci Karine, merci pour votre disponibilité, pour votre gentillesse, votre simplicité et votre humour… C’était un moment hors du temps de pouvoir discuter avec une de mes auteures favorites !
Et bien sur encore un grand merci aux Éditions Pocket sans qui ça n’aurait pas été possible ! 😁😍