Tueur en série : Dennis Rader (BTK) Partie 2

Lire d’abord : Tueur en série : Dennis Rader (BTK) Partie 1

Naissance de BTK

Alors qu’il est toujours au chômage, dans le secret de son bureau, Dennis Rader compile tous les articles des journaux qui évoquent ses crimes. Il rédige des notes et commentaires, dessine des croquis précis et continue d’écrire ses « mémoires », la chronologie détaillée de tous ses meurtres. En octobre 1974, la police arrête Gary Sebring, un déséquilibré qui vient de se livrer à des actes zoophiles et agresseur reconnu d’une petite fille dans un parc. Lors de son interrogatoire, l’homme avoue le meurtre de la famille Otero et livre le nom de deux complices présumés (en réalité, des déséquilibrés comme lui).

Le 18 octobre, l’information fait la une du Wichita Eagle, le plus grand quotidien de la ville. Quatre jours plus tard, le directeur de la rédaction du journal, Don Granger, reçoit un appel téléphonique anonyme d’un homme qui affirme avoir déposé une lettre contenant toute la vérité, cachée entre les pages d’un livre de mécanique à la bibliothèque municipale de Wichita. Rader avouera après son arrestation être l’auteur de l’appel et de la lettre, excédé de voir ses crimes apporter la « gloire » à un usurpateur.

La lettre est découverte quelques heures plus tard par l’inspecteur Bernie Drowatzky, de la police de Wichita. Elle est tapée à la machine à écrire, sur un simple papier blanc ; l’écriture est hésitante, le texte rempli de fautes d’orthographe et de syntaxe. Les premières lignes revendiquent l’assassinat de la famille Otero et cherchent à discréditer les aveux des trois prétendus coupables :

 

I write this letter to you for the sake of the tax payer as well as your time. Those three dude you have in custody are just talking to get publicity for the Otero murders. They know nothing at all. I did it by myself and with no ones help. There has been no talk either. Let’s put this straight…

 

« Je vous écris cette lettre pour vous faire économiser l’argent des contribuables et votre temps. Les trois types que vous avez arrêtés ne parlent que pour tenir le devant de la scène grâce au meurtre des Otero. Ils ne savent rien du tout. Je l’ai fait moi-même, sans aide et sans discussion. Mettons ça au clair … »

 

Suivent les détails extrêmement précis du positionnement des corps de la famille Otero dans les différentes pièces de la maison, leurs vêtements, la façon dont ils ont été tués et les objets volés (la radio et la montre du père). Pour les policiers qui découvrent la lettre, il ne fait aucun doute qu’elle provient du véritable tueur car la plupart des détails sont inconnus des journalistes et même de certains enquêteurs. La suite ressemble à une confession : Rader écrit qu’il n’est pas responsable de ses actes, qu’il agit sous la pression d’un « monstre » à l’intérieur de lui (« I can’t stop it so the monster goes on ») et que d’autres femmes en seront les victimes innocentes. Après avoir souhaité bonne chance aux policiers pour leur enquête (« Good luck hunting »), Rader écrit un post-scriptum passé à la postérité :

 

P.S. Since sex criminals do not change their M.O. or by nature cannot do so, I will not change mine. The code words for me will be… Bind them, toture them, kill them, B.T.K., you see he at it again. They will be on the next victim.

 

« PS : puisque les tueurs sexuels ne changent pas leur mode opératoire ou ne peuvent pas le faire par nature, je ne changerai pas le mien. Mes mots de code seront … les ligoter, les torturer, les tuer, B.T.K., vous voyez, il est à nouveau en moi. Ils seront sur la prochaine victime. »

 

Dans les jours qui suivent, les policiers décident de lancer un appel au mystérieux BTK, par le biais d’une petite annonce dans le Wichita Eagle. Don Granger offre même son aide personnelle au tueur en lui proposant de l’appeler chez lui, sur son numéro privé. On ne sait pas si Dennis Rader voit ces petites annonces. En tous les cas, la police ne reçoit aucune réponse de sa part. En novembre 1974, il est engagé par l’entreprise ADT Security Services de Wichita, spécialisée dans la pose et la gestion d’alarmes pour particuliers, un marché en constante progression depuis les meurtres sauvages commis en début d’année.

 

Une nouvelle série de meurtres

 

Shirley Vian (mars 1977)

Durant les deux années qui suivent le meurtre de Kathryn Bright, la population de Wichita n’entend plus parler de BTK. Avec la naissance de Brian, le 27 juillet 1975, Dennis Rader devient père pour la première fois. Ses obligations familiales et son nouveau travail accaparent l’essentiel de son temps, même s’il ne s’arrête pas de traquer d’éventuelles futures victimes, sans jamais passer à l’acte. Au début de l’année 1977, il remarque la jeune serveuse blonde d’un bar qu’il fréquente, le Black Out — nom de code qu’il choisira pour cette nouvelle opération meurtrière. Discrètement, pendant plusieurs jours, il l’épie, la suit jusque chez elle, observe ses habitudes et son quotidien. Shirley Vian est une mère célibataire de trois enfants en bas âge, que Rader va questionner innocemment en se faisant passer pour un inspecteur de police.

Le 17 mars 1977, Dennis Rader sonne à la porte de la petite maison de Shirley Vian, vêtu d’une veste de tweed et portant un attaché-case qui renferme son « kit d’intervention ». Il menace d’abord les enfants avec son arme, ferme les stores et se fait passer pour un cambrioleur, selon son habitude. Au prétexte de sécuriser sa fuite, il enferme les trois enfants dans la salle de bain et constate que la mère de famille est malade, en proie à des nausées. Seul avec sa victime, il la déshabille avant de l’attacher au cadre de son lit avec des bas nylon et une cordelette. Il l’étouffe ensuite progressivement avec un sac en plastique et la ceinture de sa robe de chambre rose, avant de se masturber sur sa culotte pendant son agonie. Les cris des enfants et d’incessantes sonneries de téléphone obligent Rader à écourter sa présence dans la maison. Il en ressort furieux d’avoir été dérangé, retourne à son travail puis à l’université, pour suivre ses cours de criminologie.

L’enquête ne conclut pas immédiatement à un nouveau crime de BTK car, à la différence du meurtre des Otero, les enfants ont été épargnés. Les policiers ne pensent pas, à ce moment, qu’un tueur en série est capable de changer de modus operandi et réfutent même parfois son existence réelle. De nouveau, il n’y a aucun témoin direct, en dehors des enfants dont les descriptions du tueur sont contradictoires. Une cinquantaine de personnes sont interrogées dans le quartier, sans succès. Rader n’est pas inquiété et continue la rédaction secrète de ses mémoires, agrémentées de poèmes macabres. Son épouse Paula découvre par hasard ces terrifiants récits mais croit son mari lorsqu’il affirme qu’il s’agit de notes universitaires prises lors d’un cours de criminologie consacré au célèbre tueur de Wichita.

 

Nancy Fox (décembre 1977)

Fétichiste, Dennis Rader utilise presque toujours des bas ou des collants pour ligoter ou étrangler ses victimes.

La même année 1977, Dennis Rader se met à suivre Nancy Fox, une jeune serveuse remarquée dans un bar de Wichita, le Seven Seventies. À son habitude, il épie méticuleusement la vie de sa nouvelle proie, fouille sa boîte aux lettres et s’introduit même dans sa maison pour lui voler des sous-vêtements. Rader assigne un nouveau nom de code à sa future opération meurtrière : « Projet queue de renard » (PJ Fox Tail), en référence à la chevelure rousse de Nancy Fox et à son nom (en anglais, Fox signifie renard).

Le matin du 8 décembre 1977, Rader prévient son épouse qu’il rentrera plus tard qu’à l’ordinaire après son travail, prétextant un passage à la bibliothèque universitaire dans le cadre de ses études de criminologie. Vers 20 h, muni de son « kit d’intervention », il gare sa voiture à quelques rues du domicile de Nancy Fox, se rend à pieds jusqu’au 843 South Pershing Street, coupe les fils téléphoniques et s’introduit dans la maison de sa victime par la porte arrière. Il décide de l’attendre caché dans la penderie de sa chambre. Nancy Fox rentre chez elle vers 21 h, seule. Cette fois, Rader n’utilise pas d’arme à feu pour neutraliser sa victime : il surgit sur elle et lui expose ses volontés de la ligoter, de la violer puis de prendre des photos. Peut-être lui a-t-il promis la vie sauve. Résignée, Nancy Fox se couche sur le lit puis se laisse menotter et attacher par son agresseur. Rader retire sa culotte, ligote ses chevilles et l’asphyxie progressivement avec une ceinture qu’il serre et desserre pour la laisser agoniser. Une fois morte, Nancy Fox est ligotée aux chevilles et aux poignets avec des collants de différentes couleurs. Rader se masturbe dans un déshabillé de sa victime puis s’empare de plusieurs sous-vêtements et bijoux. Il est probable qu’il ait pris des photographies du corps avant de s’enfuir.

Le lendemain matin, exaspéré de constater que la presse ne se fait pas l’écho de son meurtre, Dennis Rader décide de contacter la police. Il se rend dans un centre commercial avec sa camionnette de travail et appelle les urgences depuis une cabine téléphonique pour signaler l’adresse du meurtre et le nom de la victime. Malgré la présence de plusieurs témoins, le tueur parvient à quitter les lieux sans être reconnu. Après son arrestation, BTK reconnaîtra que cet appel était une erreur, liée à sa volonté de célébrité.

Sur la scène de crime, les enquêteurs relèvent des traces de sperme sur la chemise de nuit dans laquelle Rader s’est masturbé. Envoyés dans les laboratoires du Bureau d’Investigation du Kansas, à Topeka, les échantillons ne donnent aucun résultat concret, les analyses révélant des caractéristiques très communes.

 

Les autres meurtres

En avril 1985, il enlève puis assassine Marine Hedge, cinquante-trois ans. En septembre 1986, il étrangle Vicki Wegerle, vingt-huit ans, alors que son fils de deux ans est présent. À partir de 1989, il travaille pour le bureau du recensement de son État.

En janvier 1991, il enlève puis assassine Dolores Davis, soixante-deux ans. À partir de 1991, il travaille pour la mairie de Park City dont il sera licencié seulement en mars 2005, du fait de son arrestation.

 

Arrestation et procès

En mars 2004, après qu’un journal a publié un article sur les meurtres de BTK, Rader recommence à envoyer des lettres, accompagnées d’effets ayant appartenu à certaines de ses victimes. À partir de juillet 2004, il laisse à l’attention de la police des paquets contenant des objets photos, permis de conduire, etc.. Mais Rader commet une erreur : dans une de ses lettres à la police, il envoie une disquette écrite depuis un ordinateur de son église dont il est un membre influent. Les policiers tracent les métadonnées de la disquette et remontent à Rader qui est arrêté le 25 février 2005.

En août 2005, il est reconnu coupable des meurtres de dix personnes, pour lesquels il plaide coupable. Il n’est pas condamné à la peine capitale car ses crimes ont eu lieu avant 1994, année où la peine de mort a été restaurée au Kansas. Cependant, il est condamné à dix peines de prison à perpétuité. Il est habilité à demander une mise en liberté conditionnelle à partir du 26 février 2180. Il aura alors 235 ans, onze mois et dix-sept jours.

 

Vie privée

Dennis Rader et sa famille vécurent dans une petite maison de trois chambres construite en 1954 au 6220 Independence Street à Park City, non loin de l’église luthérienne qu’il fréquentait assidûment. Après l’arrestation du tueur, la famille déménage et la maison est mise aux enchères le 11 juillet 2005. Elle est d’abord acquise par un propriétaire de club de danse de Wichita au prix de 90 000 dollars, dépassant ainsi largement l’estimation initiale (environ 56 000 dollars) mais la vente est bloquée peu après pour des raisons administratives. Un donateur anonyme offre alors 60 000 dollars à la municipalité de Park City pour l’achat de la maison. Devant l’afflux de touristes et de curieux, suscitant l’indignation des habitants du quartier, la maison est finalement rasée en mars 2007 par la municipalité.

 

Dans la culture populaire

Cinéma

2005 : B.T.K. Killer de Ulli Lommel — rôle interprété par Gerard Griesbaum (BTK jeune) et Eric Gerleman (BTK âgé).

2008 : B.T.K de Michael Feifer — rôle interprété par Kane Hodder.

2014 : Couple modèle (A Good Mariage) de Peter Askin — Anthony LaPaglia interprète un personnage inspiré de BTK.

2018 : The Clovehitch Killer de Duncan Skiles — Dylan McDermott interprète un tueur en série aux méthodes largement inspirées de BTK, étant également père de famille et chef d’une section de jeunes scouts comme le fut Dennis Rader.

Télévision

Téléfilm

2005 : The Hunt for the BTK Killer de Stephen Kay — rôle interprété par Gregg Henry.

Série TV

2005 : New York, unité spéciale, saison 6 épisode 4, un tueur en série se fait appeler RDK et s’inspire de BTK.

2006 : Esprits criminels, saison 1, épisode n°15, 20 ans après … (Unfinished Business), de J. Miller Tobin : le personnage du « tueur de l’énigme » est inspiré de BTK

Littérature

John Douglas et Mark Olshaker (trad. de l’anglais), Mindhunter : Dans la tête d’un profiler, Paris, Michel Lafon, 2017

Stephen King (trad. de l’anglais), Nuit noire, étoiles mortes : nouvelles, Paris, Albin Michel, 2012. La nouvelle Bon Ménage s’inspire largement de l’histoire de Dennis Rader, bon père de famille irréprochable et tueur en série sadique.

Stephen King (trad. de l’anglais), Mr. Mercedes, Paris, Albin Michel, 2015. Dennis Rader est évoqué dans le roman.

 

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